Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/582

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


J’ay le cœur si comblé d’amertume et d’oppresse,
Que, par contagion, je rens pleins de tristesse
Ceux qui parlent à moy ;
Et qui pense adoucir le regret qui m’entame,
Sent en me consolant couler dedans son ame
La tristesse et l’esmoy.

De tous plaisans discours mon courage s’offence,
Un mal tel que le mien estant sans esperance
Est aussi sans confort ;
Ce qui sonne plus doux à mes tristes oreilles,
Ce sont cris de hibous, d’importunes corneilles
Et d’oiseaux de la mort.

La mort est seule propre au dueil qui me possede ;
Mon mal est venu d’elle, en elle est mon remede.
Ô vous ! pleins d’amitié,
Qui plaignez mes douleurs, d’une main secourable
Advancez mon trespas. Meurtrir un miserable
C’est acte de pitié.

Que n’accourt à mes cris quelque beste sauvage,
Qui, d’excessive faim sentant croistre sa rage,
Me devore les os ?
Mourant, je beniroy sa cruauté meurtriere ;
Car l’heure de ma fin sera l’heure premiere
De mon plus doux repos.

Nimphes de ces forests, mes fidelles nourrices,
Tout ainsi qu’en naissant vous me fustes propices,
Ne m’abandonnez pas,
Quand j’acheve le cours de ma triste advanture :
Vous fistes mon berceau, faites ma sepulture
Et pleurez mon trespas.




AD PHILIPPUM PORTÆUM


______


Versibus ut lenis, comis sic moribus idem es :
Si lego te video, si videoque lego.
Steph. Paschasius[1].


  1. Étienne Pasquier, que ses luttes contre les jésuites et ses divers écrits ont rendu célèbre, notamment ses Recherches de la France.