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REGRETS FUNEBRES SUR LA MORT DE DIANE


I

Entre les dons du ciel qui sont de plus haut prix,
Il n’est rien de si cher qu’une amour ferme et sainte ;
Aucun bien n’est parfait sans cette douce estrainte,
Qui de chaisnes d’aymant unit les beaux esprits.
Deux corps par sa vertu d’un vouloir sont compris,
Ils ont mesme desir, mesme espoir, mesme crainte,
Tousjours d’un mesme trait leur poitrine est atteinte,
Et rien que vueille l’un de l’autre n’est repris.
Mais en tant de douceurs et d’agreables flames,
S’il advient que la mort rompe une de ces trames,
Quels desespoirs pareils et quels gemissemens ?
Est-il nuit infernale en horreurs plus feconde ?
Dieux ! vous deviez du tout oster l’amour du monde,
Ou trencher d’un seul coup la vie aux vrais amans.


II

Un soleil clair de flamme apparut à nos yeux,
Par qui des vrais amours la force estoit connuë,
Tousjours clair, tousjours beau, sans éclipse et sans nuë,
Qui passoit en splendeur l’autre soleil des cieux.
Las ! faut-il que l’envie ait place entre les dieux ?
Phebus, voyant sa gloire estre moins reconnuë,
Esmeut la mort cruelle à son secours venuë,
Qui couvrit d’un bandeau ses beaux traits radieux.
Comme quand l’arondelle a perdu sa nichée,
Elle crie, elle vole amerement touchée,
Ne peut laisser son nid, y fait maint et maint tour,
Ainsi le pauvre Amour gemit, soupire et pleure
Sans partir du tombeau vole et revole autour,
Ayant perdu les yeux où il fist sa demeure.


III

Ô peu durables fleurs de la beauté mortelle !
Une seconde aurore, un soleil de ce tans,
Une jeune deesse, helas ! en son printans,
Sent l’injuste rigueur de la Parque cruelle.
Mais elle n’est pas morte : Amour la renouvelle
En mille et mille esprits des amans plus constans,