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Luy, qui cherche en la terre un beau lieu pour retraite,
Comme il voit Maugiron, vient loger en ses yeux.

Là, plus chauds que les siens, des brandons il advise,
Et des traits acerez d’un plus aigre soucy ;
De quoy, fier et contant, tout l’Olympe il mesprise,
Et veut forcer les dieux à luy crier mercy.

Mais devant se jouant des feux dont il abonde,
Dès qu’il en tire aux cœurs un essay seulement,
On croit que Phaëton vient rebrûler le monde,
Fors que chacun se plaist en son embrasement.

Jupiter, qui voit tout, son malheur considere,
S’il ne rompt les desseins de l’enfant Cyprien :
Je sçauray, ce dit-il, plein d’ardante colere,
Qui sera le plus fort de ses feux ou du mien.

D’entre tous les éclairs, le tonnerre et l’orage
Choisissant un long trait, de trois pointes ramé,
L’élance à Maugiron, qui, plein d’ardant courage,
Marchoit lors à l’assaut pour son roy tant aimé.

Ceste divine foudre ainsi roide jettée,
Long-tans contre l’éclair de ses yeux combatit ;
Tous deux estoient du ciel ! En fin elle est domtée,
Mais devant de ses yeux le gauche elle amortit.

Apres ce grand combat, Amour croist en audace,
Car il reconnoist bien, dès qu’il s’est r’asseuré,
Qu’il n’a pas moins d’attraits, ny de force et de grace,
Et que tousjours son coup droit au cœur est tiré.

J’asseure un fait certain, bien que tel il ne semble :
Depuis il fut plus beau, plus clair, plus redouté,
Car le feu de ses yeux s’unit lors tout ensemble,
Et perça tous les cœurs de plus vive clarté.

Le grand Jupiter mesme en eut l’ame ravie,
Mais, pour punir Amour, à regret et forcé,
Enjoint à Lachesis de lui trancher la vie :
Un dieu, sans se vanger, n’endure estre offencé.

Ceste fatale sœur, qui jamais ne repose,
Et n’aime que le sang, la tristesse et l’ennuy,
Comme pour son amy courageux il s’expose,
L’estend mort dessus l’herbe et l’Amour quand et luy.