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VII


Plus heureux que Villars, Desportes s’était retiré dans son abbaye de Bonport. Là, au milieu d’une douce quiétude, il reprit sa traduction des Psaumes. L’interprétation du texte sacré ne l’absorbait pas entièrement : deux jeunes femmes annotaient, dit-on, ses vers, madame Patu et madame d’Aigrontin[1]. Il faisait aussi des voyages à la cour et y prenait part aux fêtes royales. Dans une de ces visites, le Béarnais lui dit un jour, avec sa libre gaieté, devant la princesse de Conti : « Monsieur de Tiron, il faut que vous aimiez ma nièce : cela vous ranimera et vous fera produire encore de belles choses, quoique vous ne soyez plus jeune. » La princesse répliqua non moins librement : « Je n’en serais pas fâchée, je vous assure ; il en a aimé qui étaient de meilleure maison que moi. » Elle entendait Marguerite de Valois, l’abbé passant pour avoir été au mieux avec elle, avant qu’elle fût reine de France[2].

Les provocations d’ailleurs ne manquaient pas au riche bénéficiaire ; mais, toujours clairvoyant, il ne se faisait point illusion sur les motifs qui inspiraient les aimables coquettes. L’une d’elles, le poursuivant de ses agaceries intéressées, le vieux poëte calma son ambition par un charmant sonnet :

Ah ! je vous entends bien ! Ces propos gracieux,
Ces regards dérobés, cet aimable sourire,
Sans me les déchiffrer, je sais qu’ils veulent dire :
C’est qu’à mes ducatons vous faites les doux yeux.

Quand je compte mes ans, Tithon n’est pas si vieux ;
Je ne suis désormais qu’une mort qui respire ;
Toutefois votre cœur de mon amour soupire,
Vous en faites la triste et vous plaignez des cieux.

Le peintre étoit un sot, dont l’ignorant caprice
Nous peignit Cupidon un enfant sans malice,
Garni d’arc et de traits, mais nu d’accoutremens.

  1. Aussi trouve-t-on dans le pamphlet qui a pour titre : Bibliothèque de madame de Montpensier, le passage suivant : — Article 75. Psaumes mis en rimes par Philippe Desportes, revus et corrigés par madame Patu, avec les annotations et sonnets de madame d’Aigrontin.
  2. Tallemant des Réaux.