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Il fut de grand courage et d’antique origine,
Ayant l’ame invincible, aux vertus toute encline,
Que la soif d’amasser n’eust sçeu jamais saisir.

En fin, croyant trop fort son cœur et sa jeunesse,
Un combat sans pitié de trois à trois se dresse,
Où, comme ils monstrent tous maint valeureux effort,

L’un des siens est tué, deux du parti contraire.
Lui, blessé, peut guarir, mais il ne le veut faire,
Ayant honte de vivre apres son amy mort.


DE LUY-MESME


Quelus avoit du ciel les beautez plus parfaites :
Il n’estoit point humain, l’œil, le geste et le port
L’accusoient pour un dieu. Croyons, puis qu’il est mort,
Que les deïtez mesme au trespas sont sujettes.

La fin de Sarpedon, de Memnon et d’Achille
Jamais au cœur des dieux n’esmeut tant de douleurs :
Phebus sur Hyacinthe espandit moins de pleurs,
Et l’ennuy de son fils[1] luy sembla plus facile.

Au bruit de son trespas, soudain, Venus la belle
Eschauffa tout le ciel de soupirs infinis,
Renouvellant l’obseque et le dueil d’Adonis,
Et pour mourir sur luy se souhaita mortelle.

Diane aux noms divers, qui les forests habite,
Encor que la pitié peu la puisse esmouvoir,
Brisa son arc d’angoisse, estimant de revoir
Le beau corps tout sanglant du trop chaste Hippolyte.

Les Graces sans confort rompant leurs blondes tresses
En semoient son tombeau, qui de lys blanchissoit ;
La Jeunesse affligée à l’entour gemissoit,
L’honneur, la Courtoisie et mille autres deesses.

Et, bref, les deïtez furent toutes contraintes,
En ce triste accident, de monstrer leur ennuy ;
La beauté seulement ne fit lors point de plaintes,
Car elle print naissance et mourut quand et luy.


SUR LA MORT DU JEUNE MAUGIRON[2]


Amour, ayant là-haut quelque malice faite,
Courrouça Jupiter et fut banni des cieux,

  1. La chute de Phaëton.
  2. Mignon de Henri III, qui servit de second à Quelus dans son duel contre d’Entragues, dit Entraguet, et resta mort sur le terrain, comme nous l’avons raconté plus haut. Le roi était épris pour tous deux d’un amour excessif. Il baisa leurs cadavres et leur fit couper les cheveux pour les garder : il détacha, comme un souvenir, les pendants d’oreille de Quelus. Leurs corps furent exposés sur un lit de parade, et le prince ordonna que toute la cour assisterait à leurs funérailles. Ayant gardé la chambre quelques jours sans se faire voir, il reçut après des visites de condoléance. Ronsard et Desportes furent invités par lui à chanter ses mignons ; il leur éleva des tombeaux superbes, ornés de statues.