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Mais des marques de guerre, escus, lances et dards ;
Autre ornement funebre à sa cendre n’agrée.

Qu’on n’entende à l’entour les accens miserables
Des nymphes, des pasteurs, des Amours lamentans ;
Mais que la forte voix des meilleurs combattans
Celebre son obseque et ses faits memorables.

Jamais le ciel ne mit plus d’addresse et de grace,
Ni de force en un corps, ny cœur plus asseuré ;
Et s’il ne l’eust si-tost d’entre nous retiré,
La France auroit son Mars aussi bien que la Thrace.

Dès sa premiere enfance, en vertus accomplie,
Ayant d’un beau desir le courage embrasé,
Il s’estoit comme un but en l’esprit proposé
Que pour aimer la gloire il faut haïr la vie.

En cent et cent combats, dont France est trop fertile,
Soustenant de son roy le fidelle party,
Cent fois les plus vaillans son effort ont senti,
Et l’estimoient des siens le rampart et l’Achile.

En fin demeuré sauf des guerres plus cruelles,
Durant qu’en tans de paix il se va moins gardant,
Un soir on le massacre, et tombe en respandant
Plus d’honneur que de sang de vingt playes mortelles.

Ô rigoureux destins dont France est combatuë !
Mars au discord commun luy ravit ses enfans,
Puis, ceux qu’on voit rester vainqueurs et trionfans,
Au giron de la paix laschement on les tuë.


DE LUY-MESME


Le Gast, qui sous Brissac, nourriture avoit prise,
Et qui seul imita ses desseins genereux,
Eut le cœur grand et beau, l’esprit avantureux,
Pour luy du plus haut ciel basse estoit l’entreprise.

En ce tans triste et feint il vescut sans feintise,
N’estima les plus grands, mais les plus valeureux :
D’argent il fit jonchée, et ne fut desireux
Pour tout bien que de gloire ouvertement acquise.