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Que ferons-nous, ô chetifs ! desormais ?
L’appuy des bons, le recours et la paix
Revole au ciel, sa premiere origine.

Ton cœur, ô Dieu ! devoit estre assouvy
Du sang gaulois, du roy si-tost ravy,
Sans arracher cette plante divine.


SUR LES CŒURS DE MESSIEURS LES CARDINAUX
DE LORRAINE ET DE GUISE[1]

POUR MADAME DE S. PIERRE, LEUR SŒUR


Deux cœurs sacrez à Dieu sont clos sous cette pierre,
Des deux plus grands prelats que l’Europe ait connus ;
Leur sœur pour tout thresor se les est retenus,
Qui, quand et ces cœurs morts, le sien vivant enserre.

Quel desert si caché, quel recoin de la terre
N’est plein de leurs combats pour la foy soustenus ?
En quel lieu leurs travaux ne sont-ils parvenus,
Leur constance, leur zèle et leur fidelle guerre ?

En vain de vostre tans, athletes glorieux,
Qui pour pris olympique avez acquis les cieux,
Tant de monstres cruels l’Eglise ont combatuë.

Honorant vostre tombe, on doit peindre en ce lieu
La foy, la verité, l’ardante amour de Dieu,
Et, grondant sous vos pieds, l’heresie abatuë.


SUR LA MORT DE LOYS DU GAST[2]

MAISTRE DE CAMP DE LA GARDE DU ROY


Ne semez point des fleurs sur la tombe sacrée
Du valeureux le Gast, vive flame de Mars,

  1. Le cardinal de Lorraine (Charles de Guise) était né à Joinville le 17 février 1525. Il fut ministre sous François II, sous Charles IX, et sacra Henri III. Adversaire déclaré de la tolérance, il essaya d’introduire chez nous l’inquisition et provoqua le fameux colloque de Poissy. La ligue n’eut pas de chef plus zélé. Il aimait, protégeait néanmoins les savants et les littérateurs. Le 25 décembre 1574, il termina sa funeste carrière. Le cardinal de Guise (Louis I de Lorraine) vint au monde le 21 octobre 1527. Sa haute naissance lui ouvrit le chemin des honneurs. « C’estoit, dit l’Estoile, un bon homme, peu remuant. On l’appeloit le cardinal des bouteilles, parce qu’il les aimoit fort et ne se mêloit gueres d’autres affaires que de celles de la cuisine. »
  2. Louis Bérenger du Guast, favori de Henri III, fut enivré par sa haute fortune au point de traiter avec insolence les plus grands personnages. Il n’épargnait pas les dames de la cour et diffamait publiquement la reine Marguerite de Navarre. Cette princesse, d’accord avec le duc d’Alençon, le fit tuer dans son lit par le baron de Viteaux, alors caché au monastère des Augustins pour éviter les conséquences d’un meurtre précédent. Il avait lui-même tué beaucoup de schismatiques pendant la Saint-Barthélemy. Sa mort eut lieu le 31 octobre 1575, à dix heures du soir. L’assassin fut recueilli par le duc d’Alençon et condamné seulement à des dommages-intérêts. Le roi fit enterrer pompeusement son mignon.