Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/564

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DE LA BARBICHE DE MADAME DE VILLEROY[1]


Cette chienne, au vif contrefaite,
Estoit de beauté si parfaite,
Qu’on ne veit onc rien de si beau :
Le poil blanc dont elle fut riche
L’honora du nom de Barbiche,
Nom qui n’est point clos du tombeau.

Car une sçavante deesse,
Qui fut icy bas sa maistresse,
Lui fait part de sa deïté,
Et par mille vers memorables,
Et mille portraits honorables
La sacre à l’immortalité.

Apres qu’elle eut passé sa vie,
De mille delices suivie,
Bien aimant, bien aymée aussi,
Baisant le beau sein de sa dame
Doucement elle rendit l’ame :
Qui ne voudroit mourir ainsi ?

Or, si le ciel, qui tout embrasse,
Comme jadis aux chiens fait place,
Il ne faut douter nullement
Que cette Barbiche si belle
Bien tost d’une clarté nouvelle
Ne flambe au haut du firmament.


DE JEAN DES JARDINS[2]

MEDECIN DU ROY, QUI MOURUT SUBITEMENT


Apres avoir sauvé par mon art secourable
Tant de corps languissans que la mort menaçoit,
Et chassé la rigueur du mal qui les pressoit,
Gaignant comme Esculape un nom toujours durable ;

Ceste fatale sœur, cruelle, inexorable,
Voyant que mon pouvoir le sien amoindrissoit,
Un jour que le courroux contre moy la poussoit,
Finit quant et mes jours mon labeur profitable.

Passant, moy qui pouvois les autres secourir,
Ne dy point qu’au besoin je ne me peu guarir

  1. Femme du secrétaire d’État de ce nom. Voyez la préface.
  2. Voyez la note de la page 28.