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Et fasse comme on voit un grand loup affamé,
Qui de tout un troupeau separe la querelle[1].


DE GILLES BOURDIN

PROCUREUR GENERAL DU ROY[2]


Bourdin eut un esprit veillant incessamment
Et un corps endormi, chargé d’âge et de graisse :
L’esprit pront se plaignoit du corps tousjours dormant,
Le corps lourd, de l’esprit qui n’avoit point de cesse.
Le ciel, pour appaiser ces étranges discords,
A fait venir la mort cependant qu’il sommeille,
Qui d’un somme éternel a fait dormir son corps
Afin que son esprit plus à son aise veille.


DE BREVET

EUNUQUE ET CHANTRE EXCELLENT
À MONSIEUR NICOLAS, SECRETAIRE DU ROY


Dans ce tombeau tout parfumé de roses,
D’un Amphion les cendres sont encloses,
Qui tout divin les rochers esmouvoit,
Qui de sa voix leur inspiroit des ames,
Qui, comme Orphée, estoit hay des femmes,
Et mieux que luy les travaux decevoit.
Peut estre, ami, ta voix melodieuse
Dans ce tombeau soupire une chanson
Pour Nicolas : mais la terre envieuse
De tes fredons nous dérobe le son.


  1. Imité d’un sonnet de Guidiccion, qui débute par ce vers :

    Dal pigro e grave sonno ove sepolta, etc.

  2. Gilles Bourdin était né à Paris en 1517. Il fut successivement lieutenant général des eaux et forêts de France, avocat général au parlement de Paris, procureur général, et mourut d’apoplexie le 25 janvier 1570. En 1545, il avait écrit un commentaire grec sur les Thermophores d’Aristophane ; son savoir le rendait intéressant pour la pléiade. Les langues hébraïque, arabe, grecque et latine, lui étaient familières. On conserve en manuscrit, à la bibliothèque nationale, ses Mémoires sur les libertés de l’Église gallicane. Il semblait toujours dormir à l’audience, ce qui ne l’empêchait pas d’écouter attentivement. Sa piété, son érudition et sa droiture lui avaient acquis l’estime générale.