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Faites la mort sans yeux, reformez vos pourtraits.
Tousjours au plus beau but elle adresse ses traits,
Et n’en tire jamais un seul à l’avanture.

Elle a choisi Sillac entre mille soldars,
Sillac, choisi d’Amour, d’ApolIon et de Mars,
Et, d’un coup, de trois dieux l’attente elle a ravie.

Mais, las ! elle est sans yeux, car s’elle eust veu les pleurs
Qu’ont respandu sur luy les beaux yeux de ses sœurs,
Elle eust esté contrainte à luy rendre la vie.


DE CLAUDE BASTARNAY

SIEUR D’ANTON


Juste posterité, qui liras la vaillance
De tant de grans guerriers à jamais glorieux,
Qui par le fer vainqueur se sont ouvert les cieux,
Achetant de leur sang le repos de la France,

Honore incessamment l’heureuse souvenance
Du vaillant Bastarnay, digne race des dieux,
Qui, dès le doux printans de ses ans gracieux,
S’offrit pour son pays d’une belle asseurance.

Pour le recompenser de sa fidelité,
Les dieux benins luy ont le corps mortel osté,
Luy donnant dans le ciel une gloire immortelle.

Car il luit maintenant en astre transformé,
Et sera bien-heureux à bon droit estimé
Qui naistra desormais sous planette si belle.


À LA FRANCE


Du sommeil qui te clost les yeux et la pensée,
Sus reveille-toy, France, en ceste extrémité !
Voy le ciel contre toy par toy-mesme irrité,
Et regarde en pitié comme tu t’es blessée.

C’est assez contre toy ta vengeance exercée,
C’est assez en ton sang ton bras ensanglanté,
Et quand ton cœur felon n’en seroit contenté,
Pourtant de t’affoller tu dois estre lassée.

Toy qui fus autrefois l’effroy de l’estranger,
Or’ tu es sa risée et soumise au danger,
Tandis que dessus toy tu t’acharnes cruelle.

Qu’il sorte pour domter ton cœur envenimé,