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DE LUY-MESME


Brissac estoit sans peur, jeune, vaillant et fort :
Il est mort toutesfois. Passant ne t’en estonne,
Car Mars, le dieu guerrier, pour monstrer son effort,
Se prend aux plus vaillans et aux lasches pardonne.


DE DIANE DE COSSÉ


COMTESSE DE MANSFELD[1]

Quand le soleil nous laisse et que, tout radieux,
Il va luire à son tour parmy l’autre hemisphere,
Tout se couvre d’ombrage, et ce qui souloit plaire
Prend un visage triste et se fait ennuyeux.

Ainsi, chaste Diane, en quittant ces bas lieux,
Pour faire luire au ciel ta flamme ardante et claire,
Quel nuage de pleurs, quelle horreur solitaire,
Quelle ombre et quelle nuit laisses-tu sur nos yeux ?

Helas ! ton occident d’autant plus nous ennuie
Qu’il vient devant le soir, et que ta belle vie
Presque dès le matin nous couvre sa clarté.

Mais, que dis-je ! ah ! je faux, tant l’ennuy me transporte !
Ta vertu luit tousjours, la mort n’est assez forte
Pour faire que son jour nous soit jamais osté.


DE MADAME LA MARESCHALLE DE BRISSAC[2]


De palme et de lauriers tout autour soit planté
Ce sacré monument : car le corps qu’il enserre

  1. Une des trois femmes de Pierre-Ernest de Mansfeld, prince allemand, né le 20 juillet 1517, mort le 22 mai 1604. Pendant toute la première partie de sa carrière, il servit l’Espagne contre la France. Mais, ayant amené, en 1569, des secours à Charles IX contre les protestants, il fit de tels exploits pendant la bataille de Montcontour, que le roi lui écrivit de sa propre main une lettre très-flatteuse. Retiré, sur la fin de sa vie, à Luxembourg, il s’y occupa uniquement des sciences et des arts, qu’il avait toujours aimés ; il se fit construire un palais magnifique, où il rassembla toutes les antiquités que l’on trouvait dans la province et dans les pays limitrophes. Cette Diane est l’héroïne des Premières Amours. Voyez ma préface.
  2. Femme d’Artus de Cossé, comte de Brissac, nommé maréchal de France en 1567. Il était surintendant des finances depuis 1563. En 1567, il commanda l’armée contre les calvinistes, sous le duc d’Anjou. Arrêté, conduit à la Bastille peu de temps avant la mort de Charles IX, sous prétexte qu'il favorisait le duc d’Alençon, il y resta dix-sept mois. Henri III lui ouvrit les portes de sa prison et lui offrit des lettres-patentes qui attesteraient son innocence. « Trouvez bon, sire, que je les refuse, dit-il ; un Cossé doit croire que personne ne l’a supposé coupable. » Il aimait la table et encore plus les femmes. Il mourut en Anjou, au mois de février 1582.