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dura guère. Le vainqueur d’Ivry n’était pas homme à laisser dans l’inaction un capitaine si intrépide. Dès le commencement de l’année suivante, il le plaça en Picardie pour tenir tête aux Espagnols, avec les ducs de Bouillon, de Nevers et de Saint-Paul. C’était là que devait se terminer sa courte et brillante carrière. Les généraux ayant marché, pendant le mois de juillet, au secours de Dourlens qu’assiégeait Fuentès, Bouillon gravit une colline pour examiner le camp ennemi. Grande fut sa surprise de voir l’armée entière s’avancer en ordre de bataille à sa rencontre. Il envoya aussitôt un gentilhomme prier Villars de le secourir. L’amiral, qui ne connaissait point l’hésitation, arriva bride abattue. Son associé lui dit alors qu’il fallait arrêter l’ennemi par une charge furieuse. Villars saisit l’occasion, se précipite avec ses cavaliers sur les bandes espagnoles. Il met en déroute un escadron de six cents hommes qui lui barrait le passage ; mais, n’étant point secondé par son collègue, il a bientôt l’armée entière sur les bras. Le vaillant capitaine ne songea même point à la retraite ; et, pendant que son escadron fuyait, il soutint avec un petit nombre de braves une lutte follement héroïque. Enveloppés de toutes parts, ils furent tués ou faits prisonniers. Des Napolitains saisirent l’amiral, qui leur offrit cinquante mille écus pour sa rançon : mais un capitaine espagnol, nommé Contreras, ayant voulu leur enlever cette proie et n’ayant pu y réussir, frappa le vaincu de son épée : d’autres imitèrent son exemple, et Villars tomba percé de coups ; fin déplorable pour un homme si habile et si énergique[1].

Tallemant des Réaux affirme qu’avant de partir pour Dourlens Villars baisait un bracelet de cheveux qui lui venait de sa maîtresse. Comme le duc de Bouillon blâmait cet enthousiasme excessif à l’égard d’une personne très-légère, le fougueux seigneur lui répliqua : « S’il faut parler sans détour, je crois en elle, comme je crois en Dieu ! » Après la mort du vaillant amiral, madame de Simiers n’en poursuivit pas moins le cours de ses aventures galantes.

  1. Suivant l’Estoile, la rancune ne fut pas étrangère à cette catastrophe : « La haine que lui portoient les Espagnols, dit-il, pour avoir autrefois été des leurs et n’en être plus, ayant pris le parti du roi et abandonné celui de la Ligue, fut la vraie cause de la mort de ce seigneur très-valeureux. »