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EPITAPHES


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DE TIMOLEON DE COSSÉ


COMTE DE BRISSAC[1]


Ô mort ! contente toy ! Ton char est honoré
D’une riche despouille et de trop belles armes ;
Tu peux bien t’assouvir, si tu te pais de larmes ;
Heros ne fut jamais si justement pleuré.

Mars ne doit desormais se tenir asseuré,
Ains redouter craintif et fuïr les allarmes,
Voyant devant ses yeux, entre mille gensdarmes,
Le jeune Mars gaulois palle et defiguré.

Mais, las ! que sçay-je, moy, si Mars, esmeu d’envie,
A point forcé la mort à le priver de vie !
Ô Mars, s’il est ainsi, tu t’es bien abusé !

Car, s’il a remporté tant d’honneur sur la terre,
Or’ qu’il est immortel, il sera plus prisé,
Et sera réveré comme dieu de la guerre.


  1. Ce jeune seigneur, d’une bravoure intrépide, fut tué au siège de Mucidan, en Périgord, le 28 avril 1569, à l’âge de vingt-six ans. De là les justes regrets auxquels Desportes servit d’interprète. Il était né en 1543 et servit de compagnon, pendant son enfance, à Charles IX, qui, devenu roi, le fit gentilhomme ordinaire de sa chambre et colonel général de l’infanterie française au delà des Alpes. Il débuta dans la carrière militaire, en 1562, au siège de Rouen, et combattit la même année pour défendre Paris. Il secourut Malte en 1565, et força les Turcs à se rembarquer, les poursuivit même jusque sur le rivage.