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POUR LA MASQUARADE DES CHEVALIERS AGITEZ

PLAINTE EN FORME D’ECHO

Où suis-je ? ô miserable ! où m’a jetté l’orage ?
Est-ce plaine, est-ce mont, est-ce bois ou rivage
Qui benin me reçoit, et me va secourant
Des naufrages d’Amour, le piteux demourant ?
Malheureuse ma vie à souffrir condamnée !
Quel destin me poursuit d’une haine obstinée ?
Le ciel veut-il nommer une mer de mon nom,
Où si c’est le courroux de quelque autre Junon ? — Non.
Non, dieux ! qui me respond ? quel bruit me fait la guerre.
Quoy n’auroy-je repos sur l’eau ny sur la terre ?

Mais, ô fille de l’air ! Echo n’est-ce point toy,
Qui viens à ce besoin consoler mon émoy ? — Moy.
Narcisse à tes langueurs puisse estre secourable,
Belle et gentille nymphe, aux amans favorable !
Dy moy que je dois estre en si grand déconfort ? — Fort.
Quel remede est plus propre au travail que j’endure ? — Dure.
Hé ! n’ay-je pas duré fidellement servant ?
Qu’ay-je en fin recueilly si long-tans poursuivant ? — Vant.
Donc que doy-je plus faire en ce malheur extrême ? — Aime.
Helas ! j’aime si fort que je m’en hay moy-même.
Mais je n’avance rien, les destins trop constans
Contre ma loyauté sont tousjours combattans. — Attans.
Et bien ! j’attendray donc, sans que tant de traverses,
De flots, de vens, d’escueils et d’injures diverses,
Dont foible et sans secours je me trouve assailly,
Puissent rendre un seul jour mon courage failly.
Non que l’espoir m’allege au mal que je supporte,
L’esprit n’est pas constant que l’espoir reconforte,
Mais celuy seulement qui sans rien esperer
Peut d’un cœur invaincu toute chose endurer.




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