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AUTRE MASQUARADE POUR LE ROY HENRY III


Ces deux enfans de Mars, dont la gloire indontée
Aux déserts plus cachez par le fer s’est plantée,
La terreur du Levant, en tous lieux redoutez,
Du butin qu’ils ont fait, courans toute la terre,
Viennent payer ces vœux, non aux dieux de la guerre,
Mais à vos yeux vainqueurs, deesses des beautez.

Ce sont six prisonniers, grands d’honneurs et de race,
Qui de tout l’univers faisoient trembler l’audace,
Avant que la fortune eust soubmis leur valeur,
Beaux, courtois et discrets, en l’avril de leur âge,
De qui les accidens n’ont fléchi le courage,
Mais sont moins abattus plus ils ont de malheur.

Acceptez ce present d’un œil doux et propice,
Retenant les captifs pour vous faire service,
Ou pour les immoler à vostre cruauté.
Ils sont tous resolus d’endurer vostre empire,
Et, quoy qu’il en arrive, un seul d’eux ne desire
Que si belle prison se change en liberté.

Que pour eux la rigueur loin de vous soit bannie !
Aux ours et aux dragons propre est la felonnie,
Mais non aux deïtez qui dominent sur nous.
Une beauté cruelle est un monstre en nature.
La fierté des lions se lit en leur figure :
Où le visage est beau, le cœur doit estre doux.


POUR LA MASQUARADE DES CHASSEURS


STANCES AUX DAMES[1]


I

Nous sommes six chasseurs de la belle Cypris,
Nourris en ses forests de Paphos et d’Erice,
Entre les jeux mignards, où nous avons appris
De nature et d’Amour ce plaisant exercice
Qui, par divers sentiers et par lieux inconnus,
En chassant jour et nuit sommes icy venus,

  1. Ces stances sont imitées, ou, pour mieux dire, traduites d’un morceau du Bernia, qui commence ainsi :

    Noi siamo, ô belle donne, cacciatori,
    Ministri e servi a l’amorosa dea, etc.