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Et qui rend aujourd’hui si constantes les femmes,
Que les flots et les vents sont beaucoup plus constans.

L’autre estoit de deux cœurs une union parfaite,
Que l’oublieuse mort n’eust sceu rendre desfaite ;
L’oubly, sur celuy-cy, d’heure en heure est vainqueur.
L’autre à un but sans plus addressoit son attente ;
Quelle amour maintenant d’un objet est contente ?
Selon le tans qui court, c’est n’avoir point de cœur.

Aussi pour tant de biens comblant l’humaine vie,
Tant d’estroites faveurs dont l’ame estoit ravie,
De desirs mutuels, de doux languissemens,
Ce ne sont aujourd’huy que trompeuses caresses,
Feints regards, feints soupirs, peu certaines promesses,
Pensers dissimulez, mespris et changemens.

Plus d’amour veritable en la terre n’habite,
Il n’y a plus d’amant qui ce beau nom merite,
Tel tiltre à l’advenir ne doit estre permis ;
Car, puis que leur desir à toute heure varie,
Et que leur dernier but n’est rien que tromperie,
Il faut au lieu d’amans les nommer ennemis.

Or c’est ce qui nous fait en mains les armes prendre,
Pour maintenir à tous ce qu’avons fait entendre,
Qu’il n’y a plus d’amour ny de vrais amoureux ;
Afin que telle erreur n’abuse plus les dames,
Et qu’on s’aille mocquant des glaçons et des flames
De tant d’esprits legers, à credit langoureux.

Donc, si quelqu’un de ceux qui se donnent la gloire
D’aimer parfaitement, et qui le font accroire,
Demeure en son erreur folement endurcy,
Qu’il s’avance au combat, plein du dieu qui le donte,
Afin qu’un de nous trois face voir à sa honte
Qu’Amour est mort du tout et les amans aussi.


POUR LA MASQUARADE DES CHEVALIERS FIDELLES


AUX NOPCES DE MONSIEUR LE DUC DE JOYEUSE[1]


STANCES RECITÉES PAR UN DES FLAMINES.


Ô foy ! grand’ deïté jadis tant reverée
Des innocentes mœurs de la saison dorée,
Mais dont rien que le nom en ce tans n’est connu,
Fille de Jupiter et sa ministre sainte,
Qui joints la terre au ciel d’une aimable contrainte,

  1. Voyez l’Introduction.