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POUR MONSIEUR LE DUC D’ANJOU

CES VERS FURENT RECITEZ EN LA COMEDIE DE I. A. DE BAIF[1]

Lors que le preux Achille estoit entre les dames,
D’un habit feminin deguisé finement,
Sa douceur agreable en cet accoustrement
Allumoit dans les cœurs mille amoureuses flames.

En voyant ses attraits, sa façon naturelle,
Les beaux lys de son teint, son parler gracieux,
Les roses de sa jouë et l’esclair de ses yeux,
On ne l’estimoit pas autre qu’une pucelle.

Mais, bien qu’il surpassast la plus parfaite image,
Qu’il eust la grace douce et le visage beau,
Le teint frais et douillet, délicate la peau,
Il cachoit au dedans un genereux courage,

Dont il rendit depuis mille preuves certaines,
Faisant sur les Troyens les siens victorieux,
Et s’acquist tel renom par ses faits glorieux,
Qu’il offusqua l’honneur des plus vieux capitaines.

Ainsi ceste beauté qu’on voit en vous reluire
Vous fait comme celeste à bon droit admirer ;
Amour dedans vos yeux s’est venu retirer,
Et de là droit aux cœurs mille flèches il tire.

Mais, bien que vous ayez une douceur naïsve,
Et que rien de si beau n’apparoisse que vous,
Que vos yeux soient rians, vostre visage doux,
Vous avez au dedans une ame ardente et vive.

Et serez comme Achille au milieu des allarmes,
Foudroyant les plus forts, tuant et traversant ;
Et, tout ainsi qu’un ours se fait voye en passant,
Vous passerez par tout par la force des armes.

Heureux en qui le ciel ces deux thresors assemble,
Qu’il ait la face belle et le cœur genereux !
Vous, l’honneur plus parfait des guerriers amoureux,
Nous faites voir encor Mars et Venus ensemble.


STANCES À LA ROYNE

POUR UN BALLET DE DOUZE DE SES FILLES

Douze filles d’Afrique, honneur de leur contrée,
En qui du plus haut ciel la puissance est monstrée,

  1. L’Antigone de Sophocle, traduite et représentée en 1573.