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Donc, ô vous, nos soleils, par qui sont retournées,
Avec un seul regard toutes nos destinées,
Qui nous faites mourir et renaistre à l’instant,
Consommez dans un feu dont l’esprit est contant,
Or’ que la longue peine en aimant supportée
De nos jeunes desirs a la force mattée,
Et qu’il semble qu’Amour decline en vieillissant,
Chassez la pesanteur qui le rend languissant !
Rajeunissez sa vie, ô flambeaux salutaires !
À ces embrasemens nous courons volontaires,
Invoquant vos rayons afin d’estre brûlez,
Et d’un fecond trespas nous voir renouvellez.
Trop heureux de penser que la flamme divine,
Qui nous doit consommer, ait celeste origine !


POUR UNE MASQUARADE DE FAUNES


Assemblez-vous, ô deïtez sacrées,
De ces taillis, de ces eaux, de ces prées !
Assemblez-vous en ce lieu gracieux,
Pour recevoir trois divines princesses,
Trois belles sœurs, immortelles deesses,
Qui vont semant mille amours de leurs yeux.

Dessous leurs pas naissent les fleurs décloses,
Leurs doux regards font espanir les roses.
Ce bois en prend une vive couleur ;
Chacun des vens son haleine retire,
Fors seulement le gracieux zephire,
Qui de soupirs allege sa chaleur.

Les chauds desirs, la jeunesse agreable,
L’espoir craintif la constance immuable,
L’heureux repos, les douces cruautez,
Oiseaux legers vollent à l’entour d’elles,
Et doucement éventent de leurs ailes
Les feux cuisans qu’allument leurs beautez.

Amour, captif d’une si belle bande,
De tous les lieux, où vainqueur il commande,
A retiré ses thresors precieux
Dedans ces trois, qui font aux dieux la guerre ;
Aussi, durant qu’elles seront en terre,
Le paradis ne sera plus aux cieux.

Mon cœur, saisi de flammeches nouvelles,
Est si ravy de tant de choses belles,
Qu’il a plaisir en son nouveau tourment ;
Heureux qui souffre en leur obeissance,