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CARTELS ET MASQUARADES



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POUR LES CHEVALIERS DU PHENIX


AUX DAMES


Sous le ciel plus serain, vers l’heureuse contrée
D’où part le beau soleil refaisant son entrée,
Et où d’un feu plus doux ses rais sont allumez,
Nait l’oyseau merveilleux, dont nous sommes nommez,
Miracle de nature et son plus bel ouvrage.
L’or, le pourpre et l’azur s’esclate en son pennage ;
Il s’engendre soy-mesme, et presque en un moment
Se sent vivre au berceau qui fut son monument ;
Car lors qu’il a passé dix siecles de sa vie,
Et que le cours du tans, dont la force est ravie,
L’a rendu plus debile, au soleil recourant,
Et couché sur le haut d’un palmier odorant
S’offre, heureuse victime, à la flame celeste,
Pour renaistre plus beau de sa cendre qui reste.
Avantureux oiseau ! de qui l’embrasement
Et la vie et la mort naist du ciel seulement.
L’Amour qui dans nos cœurs loge et prend nourriture,
Oiseau tant renommé, tient de ceste nature :
Il ressemble au phenix, son destin est pareil.
Qu’on les nomme tous deux les oiseaux du soleil ;
Car de deux beaux soleils vient la flamme immortelle,
Qui de sa propre fin nostre amour renouvelle,
Lors que les longs travaux, le tans ou la rigueur
De sa force premiere ont domté la vigueur.