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La mienne plus ne varira,
Et puis nous verrons à l’espreuve
Qui premier s’en repentira.


VII


Bien-heureux le destin qui de moy fut vainqueur,
Ordonnant que pour vous bassement je soupire ;
Bien-heureux mes yeux bruns, dont vous tenez l’empire.
À tous autres sujets pleins d’extrême rigueur.

Ma jeune gayeté n’est que morne langueur
Quand je suis loin de vous, mon desiré martire ;
C’est vostre seule amour qui m’anime et m’inspire,
Vous me servez de sang, d’esprit, d’ame et de cœur.

Dieux ! si vous estes dieux, versez, je vous en prie,
Tous vos courroux sur moy plustost que je varie,
Et me faites souffrir mille morts pour le moins.

— Ainsi disoit Florelle ; et, pour plus d’efficace,
Elle escrivit ces mots tout dessus de la glace :
Presens les vents marins qui servaient de témoins.


COMPLAINTE


Je suis las de lasser les hommes et les dieux,
Je suis las de verser tant de pleurs de mes yeux,
Non pas yeux, mais fontaines ;
Je suis las de passer tant de fascheux destours,
Je suis las d’appeller la mort à mon secours,
Pour la fin de mes paines.

Ces monts, ces prez, ces eaux, ces rochers et ces bois
Sont lassez de respondre aux accens de ma voix
Enroüée et cassée.
Ah ! cieux trop inhumains, pourquoy donc seulement
La douleur qui me suit, croissant incessamment,
N’est-elle point lassée ?

On voit changer les jours, les mois et les saisons,
Le soleil se remuë en ses douze maisons,
Toute chose se change,
Rien n’est dessous le ciel qui soit ferme et constant,
Sinon l’aspre regret qui me va tourmentant
D’une fureur estrange !

Que maudit soit Amour, ses traits et son carquois,
Que maudit soit le jour que je suivy ses loix
Pleines de tromperie !
Jamais Venus la douce aux flancs ne l’a porté,