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Demeurer sans mouvoir comme une souche morte.
Les pasteurs de ces champs, me voyant de la sorte,
Chacun à qui mieux mieux vont criant apres moy :
Voy tes troupeaux, bergere, esperdus comme toy,
Demeurant sans repaistre et fuyant la verdure.
Las ! tout cela ne fait qu’augmenter mon esmoy,
Et tousjours redoubler la douleur que j’endure.
Voilà comment, ô ma seule pensée,
Loin de tes yeux mon ame est oppressée !
Je languy solitaire,
Rien ne me sçauroit plaire,
Trop est en moy la tristesse amassée,
Qui fait de mes deux yeux deux grands fleuves desçandre.
Helas ! douce riviere, où est mon cher Philandre ?


VILLANELLE


Rozette, pour un peu d’absence,
Vostre cœur vous avez changé,
Et moy, sçachant cette inconstance,
Le mien autre part j’ay rangé ;
Jamais plus beauté si legere
Sur moy tant de pouvoir n’aura :
Nous verrons, volage bergere,
Qui premier s’en repentira.

Tandis qu’en pleurs je me consume,
Maudissant cet esloignement,
Vous, qui n’aimez que par coustume,
Caressiez un nouvel amant.
Jamais legere girouëtte
Au vent si tost ne se vira ;
Nous verrons, bergere Rozette,
Qui premier s’en repentira.

Où sont tant de promesses saintes,
Tant de pleurs versez en partant ?
Est-il vray que ces tristes plaintes
Sortissent d’un cœur inconstant ?
Dieux, que vous estes mensongere !
Maudit soit qui plus vous croira !
Nous verrons, volage bergere,
Qui premier s’en repentira.

Celuy qui a gaigné ma place,
Ne vous peut aimer tant que moy ;
Et celle que j’aime vous passe
De beauté, d’amour et de foy.
Gardez bien vostre amitié neuve,