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Quelle ame est assez belle afin de vous mouvoir,
Astres clairs, qui versez tant de celestes flammes ?

Il pleut de vos regars une douceur extreme,
Comblant les chastes cœurs d’aise et d’embrasement,
Qui fait croire qu’Amour, quittant le firmament
Pour vous donner esprit, s’est fait esprit luy-même.

Beaux yeux, mes chers soleils, las ! par quelle aventure
Faut-il que si souvent vos rais me soient celez ?
Ceux du commun soleil ne sont tant reculez,
Et la nuict pour chacun si longuement ne dure.

Je suis vostre Phenix, ô lumiere immortelle !
En cendre à vos rayons je me vay reduisant.
Ainsi parloit Philon, baisant et rebaisant,
Devôt, les yeux divins de Licaste la belle.


QUELQUES EPIGRAMMES


Je voulu baiser ma rebelle,
Riant, elle m’a refusé ;
Puis soudain, sans penser à elle,
Toute en pleurs elle m’a baisé :
De son dueil vint ma jouyssance,
Son ris me rendit malheureux ;
Voilà que c’est, un amoureux
A du bien quand moins il y pense.


AUTRE

Si dessus vos lèvres de roses
Je voy mes liesses decloses,
Mon esprit, ma vie et mon bien,
Vous ne pouvez me les deffendre :
Il faut que chacun ait le sien ;
Par tout le mien je puis reprendre.


AUTRE

Blanche aux yeux verds, femme du vieux Tityre,
Autant de fois que sa vache elle tire,
Dit bassement d’un courage marry :
« Je ne voy point que ma tâche finisse,
Car toute nuict je fay mesme exercice,
Tirant le bout qui pend à mon mary. »


AUTRE

Tant de rapports fascheux indignes de notre ire,
Ne sortent que d’esprits jaloux ou malcontans,