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Quand je te baise, un gracieux Zephire,
Un petit vent moite et doux qui soupire,
Va mon cœur éventant ;
Mais tant s’en faut qu’il esteigne ma flame,
Que la chaleur qui devore mon ame
S’en augmente d’autant.

Ce ne sont point des baisers, ma mignonne,
Ce ne sont point des baisers que tu donne :
Ce sont de doux appas
Faits de nectar, de sucre et de canelle,
Afin de rendre une amour mutuelle
Vive apres le trepas.

Ce sont moissons de l’Arabie Heureuse,
Ce sont parfums qui font l’ame amoureuse
S’esjouyr en son feu ;
C’est un doux air embausmé de fleurettes,
Où comme oiseaux volent les amourettes,
Les plaisirs et le jeu.

Parmy les fleurs de ta bouche vermeille,
Amour oiseau volle comme une abeille,
Amour plein de rigueur,
Qui est jaloux des douceurs de ta bouche ;
Car, aussi tost qu’à tes lèvres je touche,
Il me pique le cœur.


VI


Ah ! mon Dieu, je me meurs ! il ne faut plus attendre
De remede à ma mort, si tout soudainement,
Phylis, je ne te vole un baiser seulement,
Un baiser qui pourra de la mort me defendre.

Certes, je n’en puis plus, mon cœur ; je le vay prendre !
Non feray, car je crains ton courroux vehement.
Quoy ? me faudra-t-il donc mourir cruellement,
Près de ma guarison qu’un baiser me peut rendre ?

Mais, las ! je crains mon mal en pourchassant mon bien.
Le doy-je prendre ou non ? Pour vray, je n’en sçay rien,
Mille debats confus agitent ma pensée.

Si je retarde plus, j’avance mon trespas :
Je le prendray ! mais non, je ne le prendray pas,
Car j’aime mieux mourir que vous voir courroucée.


STANCES


S’il est vray, comme on dit, que les plus belles ames
Meuvent les plus beaux corps et leur donnent pouvoir,