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Rendant par sa blancheur les beaux lys effacez.

Ainsi qu’un seul filet ces fleurettes assemble,
Qu’un seul nœu pour tousjours lace leurs cœurs ensemble,
Et qu’aucun accident ne le puisse trancher.

Fay qu’un mesme vouloir regne en leur fantaisie,
Qu’ils n’espreuvent jamais que c’est que jalousie,
Et l’envieuse dent ne les puisse toucher.


DIALOGUE


— Berger, quelle advanture estrange
D’ennuis fraischement t’a privé ?
— Amour est cause en moy d’un change,
Dont tant de bien m’est arrivé.
— Quel succez assez favorable
Pouvoit t’exempter de soucy ?
— Aimer d’amour ferme et durable
En lieu qu’on m’aimast tout ainsi.
— La gloire, où ton esprit se fonde,
Est-elle pour long-tans durer ?
— Si rien de ferme est en ce monde,
Je m’en dois tousjours asseurer.
— Si ta maistresse estoit volage,
Ton mal seroit-il vehement ?
— Las ! changez ce triste langage,
Je meurs en l’oyant seulement.
— Qui sçait si quelque autre plus belle
Pourroit ton cœur faire changer ?
— Je n’ay point de cœur que pour elle,
Et d’autre je ne puis juger.
— Feins un peu que dedans ton ame
Se loge une autre affection.
— Pour Dieu qu’en vous servant, madame,
Je n’use point de fiction.
— Dy vray, l’amour qui le surmonte
Est-il si plein de fermeté ?
— Qui vous en deut mieux rendre conte
Que vostre admirable beauté ?
— Quelquefois j’en prends asseurance,
D’autres fois j’en doute bien fort.
— L’heur favorable à ma constance
En ce seul point me fait grand tort.


BAISER


Fay que je vive, ô ma seule deesse !
Fay que je vive et change ma tristesse