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Espoir trompeur, tu m’as deceu !
Si grand prix je n’ay point receu ;
Car sa rigueur, qui me fait guerre,
Ne m’a d’un regard consolé,
Mais d’un pied cruel m’a foulé,
Comme un ver rampant sur la terre.

Depuis, quand la vive clarté
Du ciel, aux plus grands jours d’esté,
De chaud et de soif nous martyre.
La voyant languir foiblement,
Il me change aussi prontement
Aux moites soupirs de Zephyre.

L’éventant d’un air adouci,
J’esperoy de pouvoir aussi
Temperer mes flames cruelles,
Baiser ses yeux, mes ennemis,
Et du sein, qui ne m’est permis,
Refraichir les pommes jumelles.

Mais tousjours contraire à mes vœux,
Dès que ses plus tendres cheveux
S’émeurent sous ma douce haleine,
Et que ma fraischeur la toucha,
Toute en ses habits se cacha,
Trompant mon attente et ma peine.

En rosée il me change après,
En ombre et en brouillas espès,
Que Phebus des vapeurs esleve :
Ombre pour la suivre en tous lieux,
Brouillas pour couvrir ses beaux yeux,
Humeur pour arroser sa grève.

Mais cet art peu me secourut,
Car, dès que le feu m’apparut,
Dont mon ame est toute embrasée,
L’ombre à sa clarté se perdit,
Le brouillas pronte elle fendit,
Et secha l’humide rosée.


V


Lycaste et Philemon qu’un seul trait a blessez,
Et qui n’ont leurs pareils en amour pure et sainte,
Ô celeste Venus ! te consacrent en crainte,
Avec des myrthes verts, ces lys entrelacez.

Favorise leurs vœux, à toy seul adressez,
Fay que leur claire ardeur ne soit jamais esteinte
Et que leur pure foy chasse au loin toute feinte,