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DIALOGUE


— Berger, as-tu quelque langueur ?
Je te voy fort mauvais visage.
— C’est un mal qui me tient au cœur ;
Ne t’en enquiers point davantage.
— Que n’y cherches-tu du secours,
Avant que plus il s’enracine ?
— Las ! à qui puis-je avoir recours,
Puisque la cause en est divine.
— Il faut t’ouvrir plus clairement,
Si tu veux avoir allegeance.
— Mon mal est sans allegement,
Sans remede et sans esperance.
— Découvrant l’ennuy qui te point,
Sa fureur seroit moins cruelle.
— C’est pourquoy je n’en parle point,
Car je consens qu’elle soit telle.
— Tes soupirs me trompent bien fort,
Ou je sçay quel est ton martire.
— Si tu le sçais, as-tu pas tort
De me contraindre à te le dire ?
— Tu ne peux empescher de voir,
Ces jaloux ont trop bonne vuë.
— Ma mort se pourra bien savoir,
Mais non la cause qui me tuë.
— Qui trop sage taist sa douleur,
En fin à haute voix la crie.
— Las ! je crains fort qu’à mon malheur
De moy ce proverbe se die.


METAMORPHOSES


Mon pront et peu sage penser,
Qui peut haut et bas s’élancer,
Et se feint cent formes nouvelles,
Un jour, fantastique et leger,
En rose voulut me changer,
Royne des fleurettes plus belles ;

Croyant que la jeune beauté,
Qui rend mes jours sans liberté,
Pourroit sur moy jetter la veuë,
Et de ses doigts victorieux
Me poser au sein glorieux,
Le sejour du dieu qui me tuë.