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DISCOURS


Que faites-vous, mignons, mon desiré souci,
Le soucy d’Apollon et des Muses aussi,
Amis que j’aime mieux qu’une jeune pucelle
N’aime les belles fleurs de la saison nouvelle,
Ores que faites-vous à la suite du roy ?
Est-il possible au moins qu’ayez soucy de moy,
De moy qui, chacun jour, au ciel rien ne demande
Que l’heur de tost revoir une si chere bande ?
Et bien qu’absent de vous mille contentemens
Chassent de mon esprit tous fascheux pensemens,
Je ne puis toutesfois, quelque esbat qui me tienne,
Faire tant que tousjours de vous ne me souvienne ;
Je ne rève autre chose, et l’obstiné desir
Que j’ay de vous revoir amoindrit le plaisir
Dont je flatte ma vie, or’ que la chienne ardante
De chaleur et de soif à l’égal nous tourmante,
Et qu’au clair de la nuict les satyres cornus,
Les silvains chèvre-pieds et les faunes tous nus
Virevolent en rond et font mille gambades,
Pour eschauffer les cœurs des fuitives nayades
Et des nimphes des bois ; et or’ que sans cesser
Le forgeron des dieux, hastif, fait avancer,
Haletant et suant et tout couvert de poudre,
Le tonnerre grondant, les esclairs et la foudre.

Dès la pointe du jour, que l’aube qui reluit
A fait esvanouyr les frayeurs de la nuit,
Je choisi quelque mont dont la cime est hautaine,
Et, m’y traçant chemin, tout pensif je rameine
Et tourne en mon esprit mille et mille discours
Des succez incertains de vos vaines amours.
Je crains la cruauté de vos fieres maistresses,
J’ay part à vos soupirs, je gouste vos tristesses,
Et tout ce qui vous vient d’amertume et de doux,
Fidelle compagnon, je porte comme vous.
Puis je beny le ciel, qui contant me fait vivre,
Je rens grace au démon qui m’a gardé de suivre
Les faux pas d’un aveugle, et qui fait reboucher
Ses traits, lors qu’il les veut contre moy décocher.

Un autre jour plus gay je m’en vay à la chasse,
Je cherche un lièvre au giste ou le suis à la trace,
Ou avecques les chiens, qui de leurs longs abois
Font éclater les monts, les rochers et les bois.
Or’ avec un autour’ je fais tomber de crainte