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Ainsi la nuict je contente mon ame,
Puis, quand Phebus de ses rays nous enflame,
J’essaye encor mille autres jeux nouveaux ;
Diversement mes plaisirs j’entrelasse,
Ores je pesche, or’ je vay à la chasse,
Et or’ je dresse embuscade aux oyseaux.

Je fay l’amour, mais c’est de telle sorte
Que seulement du plaisir j’en rapporte,
N’engageant point ma chere liberté ;
Et quelques laqs que ce dieu puisse faire
Pour m’attraper, quand je m’en veux distraire,
J’ay le pouvoir comme la volonté.

Douces brebis, mes fidelles compagnes,
Hayes, buissons, forests, prez et montagnes,
Soyez témoins de mon contentement !
Et vous, ô dieux ! faites, je vous supplie,
Que cependant que durera ma vie,
Je ne connoisse un autre changement.


I


Recherche qui voudra les apparens honneurs,
Les pompes, les thresors, les faveurs variables,
Les lieux hauts élevez, les palais remarquables,
Retraites de pensers, d’ennuis et de douleurs ;

J’aime mieux voir un pré bien tapissé de fleurs,
Arrousé de ruisseaux au vif argent semblables,
Et tout encourtiné de buissons delectables,
Pour l’ombre et pour la soif durant les grand’s chaleurs.

Là, franc d’ambition, je voy couler ma vie
Sans envier aucun, sans qu’on me porte envie,
Roy de tous mes desirs, contant de mon parti.

Je ne m’appaste point d’une vaine esperance,
Fortune ne peut rien contre mon asseurance,
Et mon repos d’esprit n’est jamais diverti.


II


Quel destin favorable, ennuyé de mes paines,
Rompra les forts liens dont mon col est pressé ?
Par quel vent reviendray-je au port que j’ay laissé,
Suivant trop follement des esperances vaines ?

Verray-je plus le tans qu’au doux bruit des fontaines,
Dans un bocage espais mollement tapissé,
Nous recitions nos vers, moi, d’Amour offencé,
Toi, bruyant de nos rois les victoires hautaines ?