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À MADEMOISELLE DE BRISSAC


JEANNE DE COSSÉ


Comme quand il advient que l’humaine pensée,
Compagne d’un desir vainement curieux,
Entreprend de voler jusqu’au plus haut des cieux
Pour voir des deïtez la grand’ troupe amassée.

Alors qu’elle presume estre bien avancée,
C’est lors qu’elle connoist son vol audacieux ;
Car tousjours le chemin s’esloigne de ses yeux,
Et ne voit point de fin à l’œuvre commencée.

Tout ainsi qui voudra, plein de temerité,
S’essayer de trouver fin à l’infinité
Des graces, qui vous font divinement reluire,

En pensant s’avancer ses labeurs accroistront,
Car d’un sujet finy cent mille autres naistront,
Et faudra qu’à la fin tout court il s’en retire.


À MADEMOISELLE DE LA CHASTAIGNERAYE


HELIETTE DE VIVONNE


Ô beaux cheveux chatains d’une qui ce nom porte,
Ondez, crespes et longs, où les Jeux inconstans
Et les petits Amours, comme oiseaux voletans,
S’emprisonnent l’un l’autre en mainte et mainte sorte,

Ô bel œil, qui d’Amour rend la majesté forte,
Clair, brun, fier et piteux, seul soleil de ce tans,
Le bois sec reverdit au retour du printans,
Et le tien fait fleurir mon esperance morte !

Il faudroit estre roche, acier ou diamant,
Pour ne devenir flamme et mourir doucemant
Aupres d’une beauté de beautez si pourveuë.

Ô celestes rayons, qui me donnez la loy,
Je voudrois estre Argus alors que je vous voy
Et, ne vous voyant point, estre privé de veuë[1] !


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  1. Pour les trois dernières personnes, voyez l’introduction placée en tête du volume.