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Vous fera, le voyant, quelquefois souvenir
D’un à qui vostre amour sert d’esprit et de vie.

Et croyez que le tans, la fortune et l’envie,
Ou quelque autre accident qui me puisse advenir,
Mon cœur de vostre cœur ne sçauroit desunir :
Vos celestes beautez m’ont trop bien asservie.

Voyant en ce miroir vos yeux que j’aime tant,
Pensez comme du ciel je m’iray lamentant,
Loin de ces chauds regards et de ce beau visage.

Mais à tort toutesfois je me plaindroy des cieux ;
Car, bien que mon destin m’égare en divers lieux,
Tout par tout dans le cœur je porte vostre image.


POUR DES PENDANS D’OREILLE DE TESTE DE MORT


Je vous donne une mort, present mal-convenable
À la vive clarté de vos yeux amoureux ;
Mais que pourroit donner un esprit malheureux,
Qui ne soit desplaisant, funeste et larmoyable ?

Un qui fuit tout espoir d’estat plus favorable,
Qui trouve aigre la joye et le pleur doucereux,
À qui la clarté fasche, et qui n’est desireux
Que de voir comme luy tout amant miserable.

S’il faut offrir au ciel ce qu’on aime plus fort,
Son cœur desesperé n’ayme rien que la mort,
Dont l’image effroyable en sa face est dépeinte.

Donc, ô beauté du ciel ! ne vous offensez pas,
Si souffrant loin de vous tant de vivans trespas,
À sa mort veritable il offre une mort feinte.


SUR LE MESME SUJET


Portez cette mort effroyable,
Afin d’estre moins pitoyable,
Et rendre vos yeux bien aimez
À meurtrir plus accoustumez.


SUR LES VERS DE CALLIANTHE


Mirtis, Corinne et la muse de Grece,
Sapphon qu’Amour fist si haut soupirer,
Tous leurs escrits n’oseroient comparer
À ces beaux vers qu’a chantez ma maistresse.

Qui veut sçavoir de quels traits Amour blesse,
Sans voir vos yeux trop pronts à martyrer,