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DU PORTRAIT DU SIEUR DE VANDES

MEDECIN DU ROY

AUTHEUR DES FLAMMES SAINTES


Amour, advisant ce portrait,
Tout soudain le perça d’un trait,
Pour se vanger des flammes saintes,
Qui les siennes avoient estaintes.

« Tu as mon ouvrage deffait,
Dit le peintre ; Amour, qu’as-tu fait,
Laissant le vif, et ta sagette
Perdant sur l’image muette ? »

Amour respond : « Je n’y puis rien ;
Rien n’y sert mon arc, mon lien ;
Si je l’approche, il faut me rendre.

Pour son art, ses vers et sa voix,
Au lieu d’un que je pense prendre,
Je deviens esclave de trois. »


À MADEMOISELLE DE CHASTEAUNEUF[1]


Je ne veux desormais m’enquerir davantage
Que tu peux avoir fait, larron malicieux,
De tant de jeunes cœurs surpris en tant de lieux,
Laissant mesmes au ciel marque de ton outrage.

Tu nous les ravissois pour bastir cet ouvrage,
Ce royal Chasteauneuf, ton palais gracieux,
Où tu vas reposer, las d’outrager les dieux,
Y retirant tes feux, tes traits et ton cordage.

Devant ce Chasteauneuf, pour embellir le front,
Tu pens les plus beaux cœurs, comme les chasseurs font
Des grands cerfs et sangliers qu’à force ils peuvent prendre.

Le mien s’y fust peu voir au plus haut lieu planté ;
Mais pour ce que sans crainte il t’avoit resisté,
Ô cruel, par despit tu l’as reduit en cendre !


SUR SON PORTRAIT
À I. DE COUR, PEINTRE DU ROY[2]


Tu t’abuses, De Cour, pensant representer
Du Chasteauneuf d’Amour la deesse immortelle ;

  1. Voyez la note de la page 96.
  2. Jean de Cour ou de Court, artiste maintenant peu connu, remplaça, vers 1570, François Clouet comme peintre du roi. Les Comptes de l’espargne le mentionnent, à la date de 1572, pour une somme de deux cent cinquante livres, qui lui fut remise le 12 décembre. Il fit, en 1585, le portrait de la duchesse de Guise, qu’on lui paya quatre-vingt-dix livres. Cette même année, il reçut quatre-vingts livres pour travaux faits au Louvre, tandis que Jacques et Jean Patin, moins estimés sans doute, n’émargeaient que trente-trois livres chacun. Papyre Massan, dans son Histoire de Charles IX, dit avoir vu chez Jean de Cour, en 1515, le portrait de Henri III. Charles se le fit apporter par l’auteur peu de jours avant sa mort, et dit, en le regardant : « Hélas ! voilà l’image de mon bon frère ! Plût à Dieu que je ne l’eusse jamais laissé partir d’auprès de moi ! » Le sonnet de Desportes doit avoir précédé le mariage du roi en 1575.