Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/515

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XXI

Mille fois Jupiter, d’amour tout égaré,
Pour les yeux de sa sœur a plaint et soupiré ;
Toutesfois il la hait dès qu’il l’a espousée,
Et luy desplaist si fort, que, pour s’en estranger,
En beste et en oyseau ne feint de se changer,
Ne trouvant rien fascheux pour la rendre abusée.


XXII

C’est un estrange cas, que le palais des dieux
Ne s’est peu garantir des debats furieux
Naissans du mariage, autheur de toutes plaintes,
Et que ce Jupiter, que tout l’univers craint,
Aguetté de Junon, cent fois s’est veu contraint
De couvrir sa grandeur sous mille estranges faintes !


XXIII

La nopce est un fardeau si fâcheux à porter,
Qu’elle fait à un dieu son empire quitter :
Elle luy rend le ciel un enfer de tristesse ;
Et trouve en ses liens tant d’infelicité,
Qu’il aime mieux servir en terre une beauté,
Que jouyr dans le ciel d’une espouse deesse.


XXIV

À l’exemple de luy, qui doit estre suivy,
Tout homme qui se trouve en ses laqs asservy,
Doit par mille plaisirs alleger son martire,
Aimer en tous endroits sans esclaver son cœur,
Et chasser loin de luy toute jalouse peur :
Plus un homme est jaloux, plus sa femme on desire.


XXV

Ô supplice infernal ! en la terre transmis
Pour gesner les humains, gesne mes ennemis !
Qu’ils soient chargez de fers, de tourmens et de flames !
Mais fuy de ma maison, n’approche point de moy,
Je hay plus que la mort ta rigoureuse loy,
Aimant mieux espouser un tombeau qu’une femme.


XLII


Ha ! je vous entens bien, ces propos gracieux,
Ces regards desrobez, cet aimable sou-rire,