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X

On parle des enfers où les maux sont punis,
Un cruel magazin de tourmens infinis,
Du chien tousjours beant, des sœurs pleines de rage,
Des douleurs de Titye et des autres esprits ;
Mais je ne puis penser que ce soit rien au prix,
Ne qu’il y ait enfer si grand que mariage.


XI

Languir toute sa vie en obscure prison,
Passer mille travaux, nourrir en sa maison
Une femme bien laide et coucher aupres d’elle ;
En avoir une belle et en estre jaloux,
Craindre tout, l’espier, se gesner de courroux,
Y a-t-il quelque peine en enfer plus cruelle ?


XII

Je tais tant de regrets, de soucis et d’ennuis,
Tant de jours ennuyeux, tant de fascheuses nuits,
Tant de rapports semez, tant de plaintes ameres
Qui les pense nombrer, aura plustost conté
Les fleurettes de may, les moissons de l’esté
Et des plaines du ciel les flambeaux ordinaires.


XIII

Hé ! donc, parmy ces maux que n’avons-nous des yeux
Pour connoistre en autruy la vengeance des dieux,
Evitant sagement nostre perte asseurée ?
Mais au fort du peril nous nous allons ruër,
Nous forgeons (malheureux) le fer pour nous tuër,
Et beuvons la poison par nos mains preparée.


XIV

Si d’un sommeil de fer nos yeux n’estoient pressez,
La nopce seulement nous apprendroit assez
Quel heur et quel repos son lien nous appreste :
Le son des tabourins, les flambeaux allumez,
L’appareil, la rumeur, les bruits accoutumez,
N’est-ce un presage seur de prochaine tempeste ?


XV

Escoutez ma parole, ô mortels égarez !
Qui dans la servitude aveuglément courez,