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Ayant dedans ses yeux mille amoureux appas,
Et portant en la main une bouëtte feconde
Des semences du mal, les procez, le discord,
Le soucy, la douleur, la vieillesse et la mort,
Bref, pour douaire elle avoit tout le malheur du monde.


V

Venus dessus son front mille beautez sema,
Pithon d’autant d’attraits sa parole anima,
Vulcan forgea son cœur, Mars luy donna l’audace ;
Bref, le ciel rigoureux si bien la déguisa,
Que l’homme épris de flamme aussi-tost l’espousa,
Plongeant en son malheur toute l’humaine race.


VI

De là le mariage eut son commencement,
Tyran injurieux, plein de commandement,
Que la liberté fuit comme son adversaire ;
Plaisant à l’abordée, à l’œil doux et riant,
Mais qui sous beau semblant, traistre nous va liant
D’un lien que la mort seulement peut desfaire.


VII

Il tient dessous ses piés le repos abatu,
De cordage et de fers son corps est revestu ;
Le soin est à costé, le travaille regarde,
La peur, la jalousie et le mal inconnu,
(Mal par opinion) qui rend l’homme cornu ;
Puis vient le repentir, chef de l’arriere-garde.


VIII

Le dueil et les courroux apres le vont suivant,
Amour fuit, le voyant, leger comme le vant,
Bien que le nom d’amour masque sa tyrannie.
Car ce puissant vainqueur et des dieux et des rois
(Magistrat souverain) n’est point sujet aux loix,
Et de toute sa cour la contrainte est bannie.


IX

Helas ! grand Jupiter, si l’homme avoit erré,
Tu le devois punir d’un mal plus moderé,
Et plustost l’assommer d’un éclat de tonnerre,
Que le faire languir durement enchaisné.
Hoste de mille ennuis, au dueil abandonné,
Travaillant son esprit d’une immortelle guerre.