Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


C’est trop, c’est trop languy, sans espoir de secours !
Pour finir ma douleur il faut que je me tuë ;
Je veux haster la fin de mes malheureux jours,
M’outreperçant le cœur d’une lame pointuë.
Mais, helas ! je ne sçay si par ce doux trespas
J’auray banny mes paines,
Et crains de les porter (maudite ombre) là-bas
Tousjours plus inhumaines.

C’est assez, ma complainte, il est tans de cesser
Et d’arrester le cours de ton dueil larmoyable.
Mais en m’abandonnant, où te puis-je addresser,
S’il ne s’en trouve un seul tant que moy miserable ?
Va donc où tu voudras, et me laisse endurer
La douleur qui m’affolle ;
Aussi bien c’est en vain que je veux esperer
Que ton chant me console.


STANCES DU MARIAGE


I

De toutes les fureurs dont nous sommes pressez,
De tout ce que les cieux ardemment courroucez
Peuvent darder sur nous de tonnerre et d’orage,
D’angoisseuses langueurs, de meurtre ensanglanté,
De soucis, de travaux, de faim, de pauvreté,
Rien n’approche en rigueur la loy de mariage.


II

Dure et sauvage loy, nos plaisirs meurtrissant,
Qui, fertile, a produit un hydre renaissant
De mespris, de chagrin, de rancune et d’envie ;
Du repos des humains l’inhumaine poison,
Des corps et des esprits la cruelle prison,
La source des malheurs, le fiel de nostre vie !


III

On dit que Jupiter, ayant pour son peché,
Sur le dos d’un rocher Promethée attaché,
Qui servoit de pasture à l’aigle insatiable,
N’eut le cœur assouvy de tant de cruauté,
Mais voulut, pour monstrer qu’il estoit despité,
Rendre le genre humain de tout point miserable.


IV

Il envoya la femme aux mortels icy-bas,