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Ou qu’il voit du soleil la lumiere enflammée,
Quand il veut commencer sa course accoustumée,
Et que l’eau de la mer le rend plus esclaircy.

Le printans, gracieux mignon de la nature,
Ne nous estalle point tant de riche peinture,
Tant de roses, d’œillets et de lys blanchissans,
Comme vos doux regards font naistre de fleurettes,
D’agreables desirs, de douces amourettes,
Et de hautains pensers qui nous font languissans.

Telle qu’on voit Diane avec sa chaste suite,
Quand aux cerfs plus legers elle donne la fuite,
Ayant l’arc dans le poing et la trousse au costé ;
Bien qu’elle ait à l’entour mille et mille pucelles,
Elle apparoist tousjours sur toutes les plus belles,
Et leurs perfections font lustre à sa beauté.

Tout ainsi l’on vous voit à la cour apparoistre,
Et parmy les beautez vostre beauté s’accroistre,
Et rien qu’on puisse voir ne vous peut égaler ;
Vos propos gracieux doutent le plus sauvage,
Et vostre poil doré, c’est le plaisant feuillage
Où les petits amours apprennent à voler.

Les hauts monts de Savoye, où vous printes naissance,
De vos fieres beautez donnent bien connoissance ;
Ils sont tousjours remplis de neige et de froideur,
Devant vostre blancheur toute neige s’efface ;
Mais, helas ! vostre cœur est tout serré de glace,
Et si de vostre froid vous causez une ardeur.

Quand j’admire estonné tant de graces parfaites,
Dont vous rendez si bien nos franchises sujettes,
J’estime Amour heureux d’avoir les yeux bandez,
Car, s’il avoit la veuë, il ne se pourroit faire
Que de tant de beautez, libre, il se peust distraire,
Et se prendroit luy-mesme aux laqs que vous tendez.

Mais je m’amuse trop ; car, voulant entreprendre
De pouvoir par mes vers vos vertus faire entendre,
J’entreprends de conter les estoiles des cieux,
Les feuilles que l’hyver fait tomber du boccage,
Et les flots de la mer au tans d’un grand orage,
Et d’Amour les dédains et les jeux gracieux.


PLAINTE


POUR UNE DAME


Ma foy mal reconnuë, Amour et la fortune
Font que le ciel cruel de regrets j’importune ;