Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/505

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelqu’un peut-estre, à son gré la voyant,
Feint l’amoureux et plaint un faux martire.

Quiconque sois, mets fin à ta poursuite,
Et reconnois que c’est trop presumer ;
Il n’appartient qu’à moy seul de l’aimer.
Toute autre amour pour elle est trop petite.

Et vous, deesse, heureux feu de ma vie,
S’il est ainsi que vostre grand’ beauté
N’ait rien d’égal que ma fidelité,
Ne permettez d’une autre estre servie.


STANCES


Amour guide ma plume et me donne l’adresse,
Pour vivement pourtraire une jeune deesse,
Qui prend les deïtez aux filés de ses yeux,
Qui rend les plus hautains sous son obeïssance,
Estallant icy-bas par sa douce presance
Ce qu’on voit de plus rare au cabinet des cieux.

Angelique beauté, je sacre à la memoire
Ces vers, avantureux courriers de vostre gloire,
Qui n’atteindront pourtant au ciel de vostre honneur ;
Pour aspirer si haut ma force est trop petite,
Je sçay mon impuissance et vostre heureux merite,
Et sçay qu’il vous faudroit un plus divin sonneur.

Que le grand œil du ciel, quand il fait sa carriere,
S’arreste à contempler et devant et derriere,
En terre, au firmament, d’un et d’autre costé,
Il dira qu’il ne voit tant de beautez ensemble,
Que tout le plus parfait en vous seule s’assemble,
Et mesme que vos yeux font honte à sa clarté.

Celuy qui delibere et qui ferme s’obstine
De ne loger jamais l’Amour en sa poitrine,
Qu’il s’espreuve à vos yeux seulement une fois,
Puis qu’il restive apres, s’il en a la puissance,
Faisant comme devant à l’Amour resistance,
Et ne reconnoissant son empire et ses loix !

Vous avez pour compagne une grace amiable,
La chasteté vous suit doucement venerable,
Et pourvoit que l’Amour ne vous fait soupirer ;
L’attrayante rigueur, la grave courtoisie,
Les beautez, les vertus, toutes vous ont choisie
Et se font icy-bas en vous seule adorer.

En ces tans si troublez, qui voit vos yeux reluire,
Il peut dire qu’il voit, quand le jour se retire,
La lune qui rayonne et fend l’air obscurcy ;