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Il ne se peut penser, comment le veux-je dire,
Ou peindre en du papier si grandes nouveautez ?

Je cherchois obstiné des glaçons en la flamme,
Foiblesse au diamant, constance en une femme,
Pitié dans les enfers, le soleil en la nuit.

J’ay joué tout mon âge à ce vain exercice,
J’ay recueilly des pleurs et semé du service,
Et de mes longs travaux repentance est le fruit.


STANCES POUR LE ROY CHARLES IX


À CALLIRÉE


Cesse, Amour, tes rigueurs, mets fin à ta poursuite,
Voy que devant ton vol je retarde ma fuite,
Et retourne au chemin que j’avoy délaissé.
Comme un serf fugitif, l’œil en bas, je m’accuse ;
Je me jette à tes pieds, les fers je ne refuse.
Un dieu doit pardonner, quand il est offencé.

J’advouë avoir failly ; la faute est excusable,
Qu’un roy tel que je suis, courageux, redoutable,
Qui sçait bien commander à un peuple indomté,
Mais qui ne sçait que c’est de service et de crainte,
N’ait peu du premier coup fléchir sous la contrainte,
Et se soit essayé de vivre en liberté.

Moy que les cieux amis en jeunesse ont fait estre
De tant de nations le monarque et le maistre,
Se faut-il estonner si, m’estant veu dompter
Et ma libre vertu prisonniere estre mise,
Je me sois efforcé de la mettre en franchise ?
Tousjours le changement est fascheux à porter.

Je confesse avoir fait d’un rebelle courage
Tout ce que peut un prince ennemy du servage :
Le repos ocieux en travail j’ay mué,
J’ay comblé mon esprit de soucis et d’affaires,
Et forcé pour un tans mes regards volontaires,
Les privant à regret des yeux qui m’ont tué.

J’ay mille jours entiers, au chaud, à la gelée,
Erré la trompe au col par mont et par valée,
Ardent, impatient, crié, couru, brossé ;
Mais en courant le cerf emplumé de vitesse,
Tandis moy pauvre serf d’une belle maistresse,
J’estoy d’Amour cruel plus rudement chassé.

Ce n’est pas sans raison qu’on te donne des ailes,
Un carquois plein de traits et des flammes cruelles ;