Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tes yeux en ont plus de clartez,
Et semblent que les faussetez
Te rendent la bouche plus belle.

Ah ! je veux croire à l’avenir,
Pour estre belle et rajeunir,
Qu’il faut du ciel ne faire conte,
Qu’il faut piper tous ses amans
Par des pleurs et de faux sermens,
Sans foy, sans respect et sans honte.

Venus, qui trompoit tout ainsi,
S’en mocque, et ses nymphes aussi
En ont les graces plus riantes,
Et son fils, l’archer dangereux,
S’y plaist, aiguisant rigoureux
Sur nos cœurs ses flèches sanglantes.

Aussi ton pouvoir decevant
Tous les jours s’estend plus avant,
De nouveaux muguets caressée ;
Et les vieux pour s’en dépiter,
Forcenez, ne sçauroient quitter
Ta porte souvent menacée.

Je ne sçay ce qui m’adviendra,
Ne si ma raison reviendra ;
Trop chaude est ma flamme ancienne ;
Mais pourtant, si je me sens bien,
Je ne croiray que je sois tien
Autrement que tu seras mienne.


XXXIII


Quand je portoy le joug de vostre tyrannie,
Privé, comme de cœur, d’yeux et de jugement,
Je vous craignoy si fort, que l’ombre seulement
D’un seul de vos dédains m’estoit peine infinie ;

Mais, or’ qu’avecques moy la raison s’est unie,
J’ay perdu cette crainte, et connoy clairement
Que j’estoy bien troublé d’aimer fidellement
Celle de qui la foy pour jamais s’est bannie.

Foudroyez maintenant, pleuvez, flammes et dards,
D’audace et de courroux aigrissez vos regards,
Changez à tous objets votre cœur infidelle,

Et par despit de moy les autres caressez,
Jamais vous ne tiendrez mes esprits enlacez,
Soyez ferme ou legere, ou piteuse, ou cruelle.