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XXXI


Il faudra bien qu’une femme soit belle,
D’œil et de port chastement composé,
Et que l’esprit n’en soit trop advisé,
Pour m’abuser et me fier en elle.

Il n’y a rien qui soit plus infidelle,
Ny cœur si feint, si traistre et si rusé
Que d’une femme, animal déguisé,
Qui jour et nuit ne discourt que cautelle.

À faire mal gist son entendement ;
Peu de cervelle et moins de jugement
La font superbe, erratique, inconstante.

À quel malheur nous ont soumis les cieux !
La plus fidelle aimeroit beaucoup mieux
N’avoir qu’un œil que d’un estre contante.


XXXII


J’avoy fait mille efforts pour rompre une prison,
Où la seule fureur rangeoit ma fantaisie,
Sans que le cours des ans, la peur, la jalousie
Eussent peu dedans moy reloger la raison.

Sentant au creux des os la brûlante poison,
Dont mon ame insensée estoit toute saisie,
Forcé je m’abandonne à cette frenaisie,
N’esperant jamais plus d’y trouver guarison.

Mais en fin de bon-heur je sçeu que ma maistresse
Favorisoit un sot sans grace et sans addresse,
Durant qu’elle s’en mocque et s’en rit avec moy.

Lors un noble dédain vient gaigner mon courage,
Qui m’affranchit du tout de l’amoureuse loy.
Doy-je pas bien aimer le sot qui m’a fait sage ?


ODE


Si pour souvent fausser ta foy,
Manquant au ciel plustost qu’à moy,
Si pour trahir mon innocence
Ton teint s’estoit decoloré,
Ou que ton poil fut moins doré,
J’avoûroy quelque providence.

Mais quand, les Fureurs implorant,
Tu leur oblige en soupirant
Ton corps et ton ame infidelle,