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M’a fait voir que la foy n’estoit qu’un nom trompeur ;

Et mon ame, aussi-tost de toy favorisée,
A rompu ses liens, sa prison a brisée,
Et de toute constance a delivré mon cœur.


XXVIII


Frisez vos blonds cheveux, adoucisses vos yeux,
De propos enchanteurs vostre bouche soit plaine,
Lâchez des soupirs feints, dressez la veuë aux cieux,
Pleurez, contraignez-vous, vostre esperance est vaine.

Je n’y retourne plus : tant de cris furieux,
Tant de jours consommez en angoisseuse paine,
Pour le poignant regret de vous voir si soudaine,
Feront qu’à l’advenir je me garderay mieux.

L’experience apprend, mon mal m’a rendu sage.
Ô malheureux qui aime une dame volage
Et de ses feints propos se laisse decevoir !

Non, non, si jamais plus vostre douceur m’abuse,
Je ne veux ny pitié ny pardon recevoir ;
Car la seconde erreur n’est pas digne d’excuse.


XXIX


Ces discours enchanteurs par mes vers tant prisez
Ne sont que bas propos d’une folle jeunesse ;
Ces yeux pronts en regards, trompeurs et déguisez,
N’ont pas tant de clarté, d’attraits ny de rudesse.

Ceste vive couleur, qui ravit et qui blesse
Les esprits des amans, de la feinte abusez,
Ce n’est que blanc d’Espagne, et ces cheveux frisez
Ne sont pas ses cheveux : c’est une fausse tresse.

Trompeur aveugle-né, tu m’as long-tans deçeu,
Mais en fin le dédain pour conseil j’ay reçeu ;
Tu m’aveuglois les yeux, et il m’ouvre la veuë.

Adieu, volage enfant, adieu, vaine beauté !
Vostre legere foy, que trop tard j’ay connuë,
Me fait rompre mes fers pour vivre en liberté.


CHANSON


Ah Dieu ! que la flamme est cruelle
Dont Amour me fait consumer !
Je sers une dame infidelle,
Et ne puis cesser de l’aimer.

La marine est plus arrestée,