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Pour tant d’attraits dont je n’ose approcher,
Pour ses propos tant vrais en apparance ;

Mais je la hay pour sa grande inconstance,
Pour tant d’amours qu’elle ne peut cacher,
Pour se laisser à chacun rechercher,
Et des amans ne faire differance.

On ne voit point au ciel tant de clartez,
Ni tant de fleurs en avril par les plaines,
Que son visage est orné de beautez.

Il n’y a point aux enfers tant de paines,
Ni sur la mer tant de flots despitez,
Qu’elle refait et fait d’amours soudaines.


XXV


Comme un chien que son maistre a long-tans caressé,
S’il advient qu’à la longue il change de nature,
S’enfuit, puis s’en revient, esperant qu’il ne dure,
Et pour six coups de fouët ne peut estre chassé ;

En fin d’ardante soif et de faim trop pressé,
Se voyant delaillir faute de nourriture,
Est contraint autre part chercher son avanture,
Changeant pour un nouveau celuy qui l’a laissé ;

J’en ay fait tout ainsi, dédaigné de ma dame :
J’ay couru, j’ay tourné, pensant fléchir son ame,
J’ay demandé pardon, triste et déconforté ;

Mais puis qu’en ces courroux si ferme elle demeure,
Je me pourchasse ailleurs de peur que je ne meure,
Non par mon inconstance, ains par necessité[1].


VILLANELLE


M’ostant le fruit de ma fidelle attente,
On veut, helas ! que je sois un rocher,
Que je me taise et que rien je ne sente ;
Mais si grand dueil, que je ne puis cacher,
Fend ma poitrine et fait que je m’escrie :
Il est aisé de tromper qui se fie !

Je m’asseuroy, plein d’amoureuse flamme,
Sur des sermens qui souvent m’ont deceu,

  1. Imité d’un sonnet italien qui commence par cette strophe :

    Come fido animal, ch’ al suo signore
    Venut’ è in odio, ora si fugge, or riede.
    E sebben fero grido o verga el fiede
    Non vorria uscir del dolce albergo fuore.