Font par leurs embrasemans
Que l’amour plus fort s’enflame.
Helas ! je l’esprouve assez !
Car tant d’outrages passez,
Au lieu d’esteindre ma flame,
La font plus violente et plus vive en mon ame.
Quelle preuve, ô mon bien ! m’en peut rendre asseuré ?
Comment croiray-je, helas ! que vostre ire est passée ?
Vous redonnant mon cœur que j’avois retiré,
Et n’aimant rien que vous, qui m’aviez deslaissée.
XVI
Quand je pense aux douleurs dont j’estoy tourmenté,
Durant que je vivoy sous l’amoureux empire,
Ce penser me transporte et fait que je soupire,
Touché du souvenir de ma captivité.
« C’est en vain, dis-je alors, que quelque autre beauté
Entreprend desormais de me penser reduire ;
Car, en me souvenant de mon passé martire,
Je sçauray mieux garder ma chere liberté. »
Voilà ce que j’asseure et que je pense faire ;
Mais, voyant vos beautez, je croy tout le contraire,
Et cours aveuglément au malheur preparé.
Adieu donc, liberté, tu m’as assez suivie !
Je ne redoute plus le travail enduré ;
En si belle prison je veux perdre la vie.
CHANSON
Que m’a servy de vous avoir servie
Sept ans entiers, à mon mal conjuré,
Le plus souvent de vos yeux separé,
Non de vos yeux, mais de ma propre vie ?
Que m’a servy d’avoir perdu mon ame,
Mes pleurs, mon tans, mon repos, ma raison,
Et que vostre œil ait seché par sa flame
Les belles fleurs de ma jeune saison ?
Que m’a servy cette allegresse fainte,
Qui seurement ma douleur receloit,