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De feux, d’esclairs et d’orage ?
Donc pour ne voir le tourment,
Qui me presse injustement,
Vous destournez le visage ?
Dieux ! que la femme est pronte à changer de courage.

D.

Donc pour loyer d’amitié,
Ô cœur plein de mauvaisetié !
Tu te plais quand tu m’abuses ?
Et couvrant ta fausseté,
Tu penses que ma bonté
Tousjours se paye d’excuses ?
Mais pour te croire plus je connoy trop tes ruses.

Φ.

Helas ! où prenez-vous ce courroux vehement
Contre un qui ne veut rien que vous rendre servie ?

D.

Mais toy-mesme où prens-tu ce nouveau changement,
S’il est vray que je t’aime et que tu sois ma vie ?

Φ.

À bon droit les siecles vieux
Nous ont peint Amour sans yeux,
Monstrans comme il se doit croire ;
Trop d’ardeur le plus souvant,
Nos sentimens decevant,
En rapporte la victoire,
Et fait juger le blanc estre une couleur noire.

D.

L’ardeur ne m’aveugle en rien,
Ce qui est je le voy bien :
Je trouve chaude la flame,
Le jour me semble luisant,
Et ne faux point en disant
Qu’Amour ne loge en ton ame,
Ou, s’il te va brûlant, c’est pour une autre dame.

Φ.

Peussé-je à descouvert mon cœur vous faire voir !
Vostre image sans plus s’y trouveroit empreinte.

D.

Mais peussé-je aussi-tost guarison recevoir
Au mal que tu me fais, comme je sçay ta feinte !