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L’ardeur, le zele et le martire ;
D’autres qu’Amour donnent la loy,
Et faut à leur gré se conduire.
Ce dieu qui veit au tans passé
Sous luv toute force asservie,
Maintenant luy-mesme est forcé
Par les jaloux et par l’envie.

Las ! il faut mon pié retarder
D’aller où le desir me porte,
Mon œil n’ose plus regarder
L’objet qui seul me reconforte ;
Ma main tremble et n’ose tracer
L’image qu’au ciel j’ay choisie,
Et voy tous mes vers effacer
Par l’envie et la jalousie.

Je me deffens de respirer,
De peur d’éventer ma tristesse,
Ma bouche un mot n’ose tirer,
Craignant de nommer ma maistresse ;
Et pour rendre moins découverts
Les feux qui saccagent ma vie,
J’erre sauvage en ces deserts,
Fuyant les jaloux et l’envie.

Mais, si les propos envieux,
Ô ma claire et celeste flame !
Separent mes yeux de vos yeux,
Ils n’en separent point mon ame ;
Tousjours vostre unique beauté
M’est presente en la fantaisie :
Tel bien ne me peut estre osté
Par l’envie et la jalousie.

Car, si vostre chaste froideur,
Et vos rigueurs pleines de glace
N’ont rien peu contre mon ardeur,
Moins y peut toute autre menace ;
Plus d’ennuis s’iront élevans,
Mieux de moy vous serez servie.
Tousjours ferme aux flots et aux vans
Tant des jaloux que de l’envie.


DIALOGUE

Φ.

Doncques ces yeux bien aimez
À la fin se sont armez