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S’il n’est permis que mon mal je vous conte,
Helas ! jugez si je suis en mal-aise,
Quand, vous voyant, il faut que je me taise.

L.

Vous qui savez l’amour que je vous porte,
N’estimez point ma peine estre moins forte ;
Mais puisqu’Amour nos deux ames assemble,
C’est bien raison que nous souffrions ensemble.

D.

O vain penser ! ô folle outrecuidance,
Qui veut qu’Amour cede à son ordonnance,
Qui dans les cœurs pense esteindre les flames,
Et captiver la liberté des ames !

L.

Ceste rigueur desormais pourra faire
Qu’aucun propos la langue ne profere,
Gesner nos sens, baillonner nostre bouche,
Mais aux esprits sa deffense ne touche.

D.

Au moins deesse, au lieu de la parole,
Que de vos yeux le rayon me console ;
Et d’une œillade, aux jaloux desrobée,
Voyez la peine où mon ame est tombée.

L.

Et vous, mon cœur, usez-en de la sorte,
Ressuscitant mon esperance morte ;
Parlez des yeux et me donnez courage,
De vos regards j’enten bien le langage.


CHANSON


Doncques ce tyran sans mercy,
Qui pour moy n’eut jamais des ailes,
N’a point maintenant de soucy
Des vassaux qui lui sont fidelles ?
Doncques ceux qui plus vivement
Ont de son feu l’ame saisie,
Il laisse outrager durement
Par l’envie et la jalousie ?

Rien, rien ne profite la foy,