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X


C’estoit un jour d’esté de rayons éclaircy,
J’en ay tousjours au cœur la souvenance emprainte,
Quand le ciel nous lia d’une si ferme estrainte
Que la mort ne sçauroit nous separer d’ainsy.

L’an estoit dans sa force et nostre amour aussi,
Nous faisions l’un à l’autre une aimable complainte ;
J’estoy jaloux de vous, de moy vous aviez crainte,
Mais rien qu’affection ne causoit ce soucy,

Amours, qui voletiez à l’entour de nos flames,
Comme gays papillons, où sont deux autres ames
Qui redoutent si peu les efforts envieux ?

Où la foy soit si ferme ? où tant d’amour s’assemble ?
N’ayans qu’un seul vouloir, tousjours d’accord ensemble,
Fors qu’ils se font la guerre à qui s’aimera mieux ?


XI


Je n’ay plus dans le cœur que la branche estimée
Qu’Amour de la main droite y sçeut si bien planter ;
Autre fleur ne pourroit mon desir contanter,
Autre graine en mes vers ne doit estre semée.

J’espere avec le tans que sa belle ramée
Pourra par mes escrits jusqu’aux astres monter,
Et que les Florentins cesseront de vanter
La desdaigneuse nymphe en laurier transformée.

Ma foy vive tousjours pour racine elle aura,
L’eau sortant de mes yeux d’humeur luy servira,
Mon amour de chaleur, mon espoir de feuillage.

Puissé-je en ses rameaux mes bras entrelasser,
Et sur l’arbre estendu mon travail delasser,
Ou prendre un peu de frais sous un si bel ombrage !


XII


Je ne veux plus penser que la fureur de Mars,
Ardamment allumée au milieu de la France,
Ait pouvoir desormais de me faire nuisance,
Bien que je m’advanture au plus fort des hazars.

Car si j’ay soustenu l’assaut de vos regars
Pleins de feux, plains de traits poussez de violence,
Hardy, je ne craindray qu’autre chose m’offence,
Et ne douteray point les plus braves soldars.

Les balles que vos yeux ont tiré dans mon ame