Sous une amour contrainte
Nos passions, qui s’alloient reveler
Sans cette heureuse fainte.
Dissimuler peut passer pour raison,
Quand le tans le desire ;
Fausser sa foy, c’est tousjours trahison,
Quoy que l’on veuille dire.
Quand on divise un amour trop ardant,
Il perd sa violance ;
Estre aimé seul, je le nomme accidant
Qui passe la substance.
L’ame qui quitte un corps froid et glacé,
Pour tousjours s’en destourne ;
La foy de mesme au cœur qu’elle a laissé
Jamais plus ne retourne.
Si le sujet valloit vous abuser,
J’eusse excusé ce change ;
Mais nulle amour ne vous peut excuser,
Tant la faute est estrange.
Et toutesfois pour luy vous n’estimez
Honte ny renommée,
Et de mon cœur les fourneaux allumez
Ne vous sont que fumée.
Ô gardez bien cet amour desormais,
Qui vous est tant venduë ;
Mais de ma foy ne vous vantez jamais,
Car vous l’avez perduë.
Et n’esperez qu’à vos piés quelque jour
Ma fureur me rapporte ;
La jalousie est bien signe d’amour,
Mais c’est d’une amour morte.
POUR LE PREMIER JOUR DE L’AN
L’an, comme il a cessé, rentre au mesme voyage,
Perdurable en travaux par sa fin renaissant ;
Mes desirs comme luy ne vont point finissant,
Et son cours violant ne leur peut faire outrage.
L’an finy toute fin à mes maux puisse mettre !
L’an nouveau de mon heur soit le commencemant !
Je croy qu’il adviendra, si le cœur d’un amant
Par zele et par ardeur du bien se peut promettre.
Car tout ce que l’amour peut allumer de flame,
Tout ce que les destins en sçauroient amasser,
Tout ce qu’en entretient l’espoir et le penser,
Tout autant j’en recele et conserve en mon ame.