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Les pleurs y ont eu part, les soupirs et les plaintes,
Et les œillades feintes.

Avec tant d’ennemis qui n’eust esté donté ?
Mais, ô le beau laurier qu’elle aura merité,
Ayant sceu decevoir un amoureux fidelle,
Qui ne croyoit qu’en elle !

Il n’estoit grand besoin de s’en travailler tant :
Un seul trait de ses yeux, tous mes sens enchantant,
Ne suffisoit que trop pour me forcer à croire
Que la neige estoit noire.

Celuy qui maintenant s’en pense estre adoré,
Comment de son amour peut-il vivre asseuré,
Puis qu’on ne peut trouver d’assez ferme cordage
Pour une ame volage ?

S’il se fie aux sermens, les sermens m’ont deceu ;
S’il croit à ses regards, d’eux mon mal est issu ;
S’il voit pleurer ses yeux, en nos amours premieres
Ils versoient des rivieres.

L’air, tant que son esprit n’est propre aux changemens ;
Ce qu’elle a luy déplaist, et se sert des amans
Comme l’on fait des fleurs, qui ne nous semblent belles
Qu’estans toutes nouvelles.

Sa parole et son cœur sont tousjours differans.
C’est un astre vrayment, mais c’est des plus errans,
Et la lune est tardive en sa course pressée
Aupres de sa pensée.

Son infidelité l’hellebore sera,
Qui du cerveau troublé ma fureur chassera,
Et comme un autre Achil’ guarira salutaire
Le coup qu’elle a sceu faire.

Qu’elle n’espere donc me pouvoir ratraper ;
Deux fois un mesme lieu ne me fait point choper ;
Contre tous ses attraits et sa force magique
J’ay l’anneau d’Angelique.


SONNETS


I


Dieux ! que de tourbillons, de gresle et de nuages !
Que je sens en l’esprit un tonnerre grondant !
Est-il en la Sicile un fourneau plus ardant ?
Les marteaux de Vulcan forgent-ils tant d’orages ?

Yeux plus traistres que beaux, qui faisiez les messages
D’une ame ingrate et feinte, à ma mort pretendant,
Si je le pensoy bien, je gaigne en vous perdant ;