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MESLANGES


CONTENANS LES


DIVERSES AMOURS — BERGERIES ET MASQUARADES
EPITAPHES





DIVERSES AMOURS


______


PLAINTE


Seroit-il bien possible ? ô Dieu ! qu’ay-je entendu ?
Celle à qui les destins et mes yeux m’ont rendu,
Qui vivoit toute en moy, dont j’estoy la pensée,
Nostre amour a faussée.

Ô foy ! foy, dont le nom est si grand en vertu,
S’il est vray que tu sois, où te retires-tu ?
Ah ! tu m’as abusé ! j’esprouve à mon dommage
Que tu n’es que langage.

Il n’y a dans les cœurs ny foy ny verité ;
Il n’y a point de dieux, c’est un conte inventé,
Et ne se trouve au ciel ny raison ny justice
Pour l’humaine malice.

Si les dieux estoient vrays, qu’elle a tant invoquez !
Ils ne souffriroient pas d’avoir esté mocquez,
Et qu’ainsi de leur nom elle se fust servie
Pour abuser ma vie.

Seuls les dieux reclamez ne m’ont point abusé ;
Il a fallu s’aider de maint geste embrasé ;